Multiplication des écrans et
relations
aux médias : de l’écran d’ordinateur
à
celui du Smartphone
Marie-Julie CATOIR
Université Michel de Montaigne
Bordeaux 3
Laboratoire MICA-Bordeaux 3
Thierry LANCIEN
Université Michel de
Montaigne-Bordeaux 3
Laboratoire MICA-Bordeaux 3
Cet article s’inscrit dans le cadre
d’une recherche menée depuis 2008 à l’université de
Bordeaux 3, au sein du laboratoire MICA. Il propose un cadre de questionnement relatif aux
Bordeaux 3, au sein du laboratoire MICA. Il propose un cadre de questionnement relatif aux
relations avec les écrans et leurs
contenus médiatiques ainsi que des données recueillies
lors d’un travail de terrain.
Celui-ci portait sur la relation entretenue avec deux écrans en
particulier : celui de l’ordinateur
et celui du téléphone portable de type Smartphone, et plus
spécifiquement, sur la circulation
de contenus entre ces deux écrans numériques. Nous
avons analysé les journaux de bord
réalisés en avril 2011 par des étudiants de Master 1 en
Sciences de l’Information et de la
Communication, provenant de trois filières différentes
(Recherche, Multimédia et
Communication et Générations), âgés de 21 à 26 ans3.
Mots
clés : Intérmédialité, hybridation,
transmédialité
Les recherches sur les écrans
La recherche sur les écrans n’est
pas nouvelle et dès la fin des années 80,
Chambat et Ehrenberg (1988) posaient
la question de savoir si la généralisation
des écrans qui commençait à toucher
tous les secteurs, ne nous introduisait pas
dans un nouveau « continuum »
comparable à celui de l’imprimé. Une telle hypothèse,
toujours d’actualité, demeure
intéressante car, en rapprochant les écrans de
l’imprimé, elle permet d’éviter les
visions globalisantes, notamment autour d’une
convergence totale des contenus et
des usages. Chambat et Ehrenberg défendaient
en effet la thèse d’une coexistence
complémentaire des médias, à rapprocher de
la culture précédente de l’imprimé
qui admettait « des fonctions et des usages
divers et ramifiés ». Nous verrons
ultérieurement que notre travail de terrain a
mis en évidence la complémentarité
entre l’ordinateur et le Smartphone (notamment
relais dans la fonction agenda),
mais aussi le fait que la multiplication des
écrans dans l’espace domestique
induit une activité en réseau avec d’autres écrans
(comme celui de la télévision).
Dans les années 2000, d’autres
travaux ont porté plus spécifiquement
sur les dispositifs d’écran dans
leur rapport aux contenus médiatiques et au spectateur.
Olivier Mongin et des auteurs réunis
dans un numéro d’Esprit (2003) ont
envisagé alors les modifications que
la multiplication des écrans pouvait engendrer
chez les spectateurs sur le plan de
la représentation, du temps et de l’imaginaire.
Dans ces travaux, on se demandait
aussi (Amiel 2003) si la multiplication
des écrans était en train d’effacer
leurs différentes identités ou si au contraire
celles-ci demeuraient, alors
accompagnées de consultations de contenus médiatiques
spécifiques.
Depuis lors, les écrans se sont
encore multipliés, semblant plus que
jamais brouiller les frontières
entre contenus médiatiques stables et usages établis.
C’est pourquoi, il nous semble
essentiel aujourd’hui de chercher à savoir si la
multiplication des écrans modifie
l’identité des médias et les relations entretenues
avec eux.
Pour répondre à ce questionnement,
nous allons croiser une réf lexion
historique et théorique sur les
relations avec les écrans et leurs contenus médiatiques
avec notre travail de terrain sur
l’écran de l’ordinateur et celui du
Smartphone. Dans cette enquête, il
s’agissait notamment de chercher à savoir :
Comment se transforme la relation à
ces deux écrans dans un contexte de multiplication
des écrans ? Quels contenus et
usages sont spécifiques à chacun de
ces deux écrans, mais aussi quels
contenus et usages circulent de l’un à l’autre,
et peuvent ainsi être considérés
comme transmédiatiques ? Quel rôle joue la
situation d’énonciation (ou
médiation situationnelle) dans la relation à ces deux
écrans ?
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Une nouvelle intermédialité
Pour appréhender cette « nouvelle »
situation médiatique, il nous semble
important de nous référer aux
travaux sur l’intermédialité, notamment à ceux de
Gaudreault, Marion et Altman (2000,
2006) qui proposent d’envisager celle-ci
non pas simplement comme un mélange
des médias mais bien comme une étape
historique, un état transitoire, une
« forme » partagée entre plusieurs médias
existants, l’identité de certains
pouvant être en suspens4.
L’intermédialité serait
alors « cette phase au cours de
laquelle une forme destinée à devenir un média
à part entière doit composer avec
les contenus véhiculés par les médias déjà en
place.5 » Cette approche historique nous
semble particulièrement éclairante pour
mieux comprendre les conséquences de
l’émergence d’Internet et des nouveaux
médias sur la relation aux écrans et
à leurs contenus.
Le paysage médiatique actuel
constitué de médias dits classiques (cinéma,
télévision) et de médias dits
nouveaux (sites web, dispositifs multimédia
interactifs, jeux vidéo, contenus de
téléphonie mobile) correspondrait bien à ce que
Gaudreault et Marion (2006) disent
des médias contemporains qui « afficheraient
un penchant marqué envers la
dissémination intermédiale » ce qui ne serait d’ailleurs
pas pour eux incompatible « avec
leur identité médiatique singulière ».
Les travaux sur l’intermédialité qui
ont souvent une dimension historique
nous rappellent aussi utilement
qu’il ne faut pas considérer ces crises
comme inédites : « toutes les crises
médiatiques se ressemblent davantage
qu’elles ne diffèrent.6 » Pour les comprendre, on aura tout
intérêt à les rapprocher
d’autres crises d’intermédialité qui
ont touché les médias et leurs supports
écrans : arrivées du cinéma, de la
télévision. L’intermédialité se complexifie
encore plus dans le cas de
l’ordinateur et du téléphone portable, qui intègrent
plusieurs médias déjà existants,
notamment grâce au réseau du web.
L’intermédialité permet donc de
relativiser les approches trop globalisantes
comme celles qui portent sur la
convergence des supports et des contenus.
C’est pourquoi nous allons faire ici
l’hypothèse que l’identité actuelle des médias,
loin d’être complètement
bouleversée, est plutôt prise entre des tensions. D’un
côté l’on aurait effectivement des
médias qui, pour reprendre la formule de Gaudreault
et Marion, auraient tendance à se
disséminer, de l’autre des médias qui
garderaient des facteurs d’identité,
des spécificités fortes.
Suite de l'article dans le numéro 34 de MEI.
Suite de l'article dans le numéro 34 de MEI.
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